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Au Sénégal, Bassirou Diomaye Faye dissout l’Assemblée nationale

Deux ans après les dernières législatives, le président sénégalais a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale. La date des élections anticipées est fixée au 17 novembre.

L’échéance était prévisible. Ce 12 septembre, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a dissous l’Assemblée nationale, comme la Constitution lui en donne le droit au bout de deux années de législature.

« En vertu des pouvoirs qui me sont conférées par l’article 87 de la Constitution, je dissous l’Assemblée nationale », a annoncé le chef de l’État à 20 heures lors d’une allocution. La date des prochaines législatives est fixée au 17 novembre.

Le président, qui avait préalablement saisi pour avis le Conseil constitutionnel afin de connaître la date exacte à laquelle cette prérogative s’offrirait à lui, n’aura pas perdu une minute. Il a procédé à la dissolution dès la date anniversaire de l’entrée en fonction de l’actuelle législature, issue des élections du 31 juillet 2022. Le 9 septembre, il avait aussi saisi pour avis le président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, comme la Constitution le lui impose. Celui-ci lui a répondu ne pas avoir d’objection.

Cohabitation de fait

Élu triomphalement dès le premier tour de la présidentielle, le 24 mars dernier, Bassirou Diomaye Faye s’est retrouvé confronté à une situation périlleuse dans l’hémicycle, où son parti ne disposait que de 26 députés sur 165. Le 2 septembre, le chef de l’État et son Premier ministre, Ousmane Sonko, ont ainsi échoué à rayer de la Constitution le Haut Conseil des collectivités territoriales (HCCT) et le Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Toujours majoritaire, la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY), qui a accompagné pendant douze ans l’ex-président Macky Sall, est en effet parvenue à faire capoter l’initiative de l’exécutif par un vote hostile de 83 députés. « Les députés de Benno n’allaient pas voter pour la suppression de ces institutions qui emploient leurs collègues, leurs amis. C’est bien la preuve qu’ils votent pour leurs intérêts et non pour le pays », lâche un proche du chef de l’État qui reconnaît par ailleurs que « c’était un test, un coup politique ». Et aussi un argument de campagne pour le parti au pouvoir.

« Le gage d’une collaboration franche avec la majorité parlementaire était une illusion, celle-ci ayant décidé de se détourner du peuple pour promouvoir le culte du blocage et ainsi entraver la mise en oeuvre du projet sur la base duquel j’ai été élu », a défendu ce jeudi soir Bassirou Diomaye Faye.

Par ricochet, la déclaration de politique générale (DPG) d’Ousmane Sonko, qui alimente la controverse depuis le mois d’avril, se retrouve ajournée in extremis. Au cours d’un récent bras de fer avec la conférence des présidents de l’Assemblée nationale (elle aussi aux mains de BBY), le chef de l’État avait fait injonction à Amadou Mame Diop de retarder de 48 heures la date de cette DPG très attendue, que celui-ci avait initialement fixée au 11 septembre.

« C’est le président de la République qui a arrêté la date du 13 septembre pour la DPG du Premier ministre. Il n’aurait pas choisi cette date s’il avait prévu de dissoudre l’Assemblée la veille. À moins d’être un président bluffeur, ce qui serait extrêmement grave », prévenait le député de BBY Moussa Diakhaté avant la déclaration de Bassirou Diomaye Faye.

 

Un vestige de la présidence de Macky Sall

 

Le chef de l’État semble donc avoir trouvé le moyen d’empêcher l’actuelle Assemblée nationale d’imposer à Ousmane Sonko de venir s’exprimer devant une institution qu’il considère ostensiblement comme un vestige de la présidence de Macky Sall. « Je puis vous assurer qu’il n’y aura pas de motion de censure d’ici au 12 [septembre]. Et que le 12, s’il plaît à Dieu, ces gens auront autre chose à faire que d’être députés à l’Assemblée nationale », avait prophétisé, narquois, le Premier ministre dès le 4 septembre.

« Il ne s’agit pas de duper le peuple », s’est défendu le président lors de son allocution, accusant le camp adverse de « ramer à contre-courant de la volonté du peuple sénégalais ». « Je dissous l’Assemblée nationale pour demander au peuple souverain les moyens institutionnels qui me permettront de donner corps à la transformation systémique que je leur ai promise », a-t-il ajouté.

« Ousmane Sonko n’a jamais voulu faire sa DPG, et voilà le résultat ! Ils jouent un rôle honteux en infantilisant nos institutions », regrette un cadre de l’opposition. « En décidant de dissoudre l’Assemblée nationale en pleine session extraordinaire qu’il a lui-même convoquée et à la veille de la déclaration de politique générale dont il a lui-même fixé la date, le président de la République vient de commettre un parjure, exécutant en cela, et de manière cynique, les instructions de son Premier ministre », a réagi le groupe parlementaire BBY lundi soir.

Dans un style fleuri, son offensif président, Abdou Mbow, a appelé les Sénégalais « à faire bloc pour ne pas donner à ces incapables [sic] la possibilité d’installer un Royaume au Sénégal et d’y dérouler un agenda aux conséquences néfastes ». Il a aussi dit voir dans les élections à venir « l’occasion de renvoyer ces stagiaires sans parole et sans respect pour les Sénégalais à leurs chères études ».

 

 

Rédaction